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invention est suspecte, parce que cette sagesse paysanne ne s'arrête jamais aux premiers résultats. On voit des terres à blé parsemées de pierres plates. Bouvard et Pécuchet faisaient enlever ces pierres à grands frais ; mais cet engrais minéral soutenait la paille, et les pierres faisaient drainage peut-être. Ils fumaient trop richement, leur moisson poussait en herbe molle et leur blé se conservait mal. Attendons la fin, telle est la chanson paysanne. Le marin agit dans le moment même ; un coup de barre sauve ou perd ; ce sont des combats successifs et des victoires assurées à chaque instant ; un seul danger à la fois ; et dès que l'on est au port on se moque de Neptune. L'audace et l'industrie devaient naître sur ces bords découpés où le flot se fatigue ; tout ce vain bruit à côté du port toujours tranquille doit modérer l'imagination. « Laisse passer la risée », c'est un mot de marin, et c'est aussi une règle de vie en quelque sorte. Dans nos villes maritimes on voit que les plaisirs des marins font scandale aux yeux des sages fantassins, fils de laboureurs. C'est que la tempête ne saccage point les moissons du marin ; du moment qu'il se sauve lui-même, il a tout sauvé. Mais le paysan ne peut conduire ses richesses au port ; elles sont étalées et exposées toujours ; ainsi le bon feu ne le console pas assez de la gelée. Ce n'est pas lui qui dira jamais avec le poète : « Qu'il est doux d'être à l'abri quand le vent est déchaîné sur la terre. » Par ces causes, la Chine est massive et impénétrable. Par ces causes le remuant Occident, rongé par la mer, promène ses lois et inventions dans le monde. Ces remarques peuvent expliquer quelque chose de cette île indus- trieuse et physicienne, et de cette politique que Montesquieu ne se lassait pas d'expliquer par la force des marées et la profondeur des estuaires ; car, disait- il, le port profond fait les bons voiliers, par cette résistance latérale de la quille profondément plongée, qui permet de naviguer tout près du vent. Par ces causes, Venise ne pouvait vaincre l'Angleterre ; et toute bataille navale était réglée d'avance d'après les eaux et les rivages. Pensée de marin ; philosophie de marin. GSthe le terrien n'aimait point trop ces explications par les causes extérieures ; mais ses méditations allaient plutôt du gland au chêne centenaire, suivant ce développement par l'intérieur, sur lequel, l'homme n'a pas de prise. GSthe était paysan en cela ; il pensait l'idée comme un germe qui porte sa loi en lui ; cette idée est mystique. Elle est objet de contemplation plutôt que de raisonnement ; elle met l'esprit en marche plutôt qu'elle ne l'éclaire. Ainsi le terrien rêvait à la lumière italique. Il partait déjà en voyage. Ainsi le continent pousse ses troupeaux d'idées nébuleuses vers les îles de toutes parts baignées ; et c'est Darwin le marin qui les tond. 3 septembre 1922. Alain, Esquisses de l homme (1927) 96 Esquisses de l homme (1927), 4e édition, 1938 XLIII Prolétaires et bourgeois 1er Octobre 1932. Retour à la table des matières Le ballon est tombé dans le jardin de cette vieille dame. Il y a une porte à ouvrir, chose sacrée ; et l'on peut prévoir d'aigres reproches. La physique de la chose est toute simple, mais la politique en est difficile, et l'enfant met en Suvre la politesse, l'excuse, la promesse, enfin tous les moyens que j'appelle bourgeois ou citadins. Il s'agit de persuader, et d'abord de plaire, et première- ment de ne pas déplaire. Une sorcière détient le mot. Le même ballon maintenant est dans un arbre il n'y a point de clôture ni aucune défense, ni aucun être humain en vue. Il faut être bien enfant pour prier un arbre ou un ballon ; notre garçon n'est pas si sot ; il cherche une pierre de bonne grosseur ; il la lance, attentif seulement à sa propre sûreté. Il y a attaché une ficelle ; il secoue la branche ; le ballon descend et la pierre aussi ; la ficelle va rejoindre dans la poche le couteau, autre précieux outil. Ici l'enfant est tout prolétaire, sans politesse aucune. Je vois sur son visage une attention aux choses, qui n'est point douce, et une raison sans respect. La courtoisie est effacée. Reviendra-t-elle ? Il s'agit de savoir s'il gagnera sa vie à ce jeu ou à l'autre. Physicien ou avocat, ce sont deux hommes. Ils se battent en chacun ; et il n'est pas difficile de savoir qui des deux croit en Dieu. Croire en Dieu c'est politesse. Alain, Esquisses de l homme (1927) 97 Le pur prolétaire est un homme rare. J'ai connu un ouvrier cordonnier qui n'avait pas d'égal pour la chaussure de femme ; on le priait, mais il ne priait personne ; c'était un philosophe matérialiste. Ainsi l'on trouve les maçons, les terrassiers, les machinistes, les ajusteurs, dans les temps où les entreprises vont. Le matérialisme est d'attitude et de costume pour ceux qui n'ont jamais à prier. Au contraire dès qu'il faut offrir son travail et le vanter, bourgeoisie revient. Le haillon est bourgeois dans le mendiant. On peut même dire que le mendiant est le bourgeois pur ; car il ne vit absolument que de prière. L'escroc est bourgeois, car il gagne sa vie à discourir, à tromper, à promettre ; mais le cambrioleur est prolétaire, parce qu'il n'a affaire qu'aux serrures. Le médecin est un parfait bourgeois, car il vit de persuader : mais l'homme de laboratoire est prolétaire, car on ne persuade pas les microbes, ni le microscope, ni la cornue. Le chirurgien quoique d'abord il persuade, a une teinte de prolétariat, ou, ce qui est la même chose, d'incrédulité, car il est l'ouvrier de main, comme son nom le dit. Un des traits du bourgeois est de croire d'abord et par précaution ce que tous disent ; car on ne peut plaire et même contredire qu'en partant de là. Si rien n'est cru, le discours ne peut pas seulement commencer. De là vient que Cicéron invoque les principes sacrés. Ayant pour fin de changer l'opinion, il s'y accorde d'abord. Ce genre d'esprit excelle à changer les conséquences tout en respectant les principes. Ainsi Dieu, on s'en arrange, et chacun le sait : mais il faut commencer et finir par un grand salut de politesse. L'union sacrée est le [ Pobierz caÅ‚ość w formacie PDF ] |